Je bois un smoothie et un thé. Je regarde les forces de travail démarcher dans Saint-Henri. Des christie de grosses boites à lunch vert fluo qui mettent au monde des boites à lunch un peu plus petites. Un cycle magnifique de production de polymère. Plastique, du latin plasticus, lui-même issu du grec ancien plastikós, « relatif au modelage », dérivé du verbe plássein, « mouler, former ». De beaux moulages sous pression, en série, habillés de carreauté et de jeans cow-boy. Ça court dans les Tim Hortons pour tougher la run. Ça besogne pour se garder la tête hors de l’eau.
Et moi aussi. Je suis pareille. Même matière. Même boite à lunch malgré mes efforts à garder mes énergies au service de rien. À force de me faire rappeler que je suis une nuisance, un poids, une entrave au déficit zéro, j’essaie de justifier ma présence au monde en me disant que je n’ai jamais voulu être là. C’est cliché, ça fait très ado en crise, mais c’est vrai. Je n’ai jamais voulu être là. Je n’ai nulle part où aller. Ce n'est pas comme si c’était beau ce que vous faites. Pas comme si vous vous battiez pour la justice, l’égalité des chances, le bonheur pour tout le monde, la fin de la famine, l’émerveillement, la beauté, la paix, crisse. Il n’y aura jamais de repos.
En Abitibi, on dit "fermer la shop" quand on décide que sa famille est complète. C’est parlant. Fermons l’usine. La ligature comme barricade. Bebye business. Cessons de mettre au monde des enfants à qui on ne peut rien donner. Coupons direct à la base. Cédons au désespoir. Demain est laitte. Demain n’a rien à offrir.